Disons qu'on s'excite quand même pas mal, mais c'était il y a trente ans qu'il fallait prendre les bonnes décisions. En en avril et juin dernier, on a trouvé le moyen de continuer à faire les mauvais choix.
Il est impossible de concilier fin du monde et fin du mois. Aujourd'hui la baisse du pouvoir d'achat — inéluctable, soit dit en passant, et indispensable pour réduire nos émissions — est vue comme le mal absolu alors qu'elle devrait être l'occasion de repenser cette société de consommation dont nous sommes tous les esclaves. Si on y réfléchit bien, le pouvoir d'achat est largement un "pouvoir de polluer" : gagner plus fait généralement dépenser plus. Une fois qu'on a couvert ses besoins de base (logement, alimentation, habillement) que fait-on de l'argent supplémentaire ? On achète des produits moins essentiels : une nouvelle paire de chaussures (fabriquées au Vietnam par des gamins), un nouveau jean (fabriqué au Bangladesh par d'autres enfants), un nouveau téléphone (les petites mains sont quand même habiles), etc... on consomme davantage et donc on augmente ses émissions. Et c'est normal, c'est ce qu'on nous vend depuis des décennies. C'est pour ça que la Convention Citoyenne sur le Climat avait proposé d'encadrer la publicité, pour offrir d'autres récits.
Attention, je ne porte pas de jugement de valeur sur cette lutte pour le pouvoir d'achat. Moi-même, j'aimerais une augmentation de salaire pour... consommer davantage ! Peut-être pas m'acheter des fringues, mais aller au resto ou partir en vacances (et Dieu sait que c'est cher en Amérique du Nord, surtout si on prend le bus ou le train pour faire les déplacements...). Il n'en demeure pas moins que je me soumets ainsi à des récits de la société de consommation.
Non, ce qui me gêne vraiment avec la lutte pour le pouvoir d'achat, c'est qu'il n'y a pas de débat de fond. On reste campé sur cette idée que le but dans la vie est de gagner plein d'argent et qu'au final la grogne et les cris d'injustice contre les Pouyanné et autres fossoyeurs sont des manifestations de notre jalousie, de notre contrition de n'avoir pas "réussi". À aucun moment on ne remet en cause tout ça. C'est d'autant plus vrai pour les sportifs, et maintenant les Youtubers, qui sont des personnes largement surpayées par rapport à ce qu'elles proposent, mais dont on ne remet jamais en cause l'indécence du mode de vie. D'ailleurs, on les présente comme des modèles.
Enfin, je ne sais pas si je suis très clair, mais à part quelques penseurs et trop peu de représentant de la classe politique, personne ne s'empare tout à fait du sujet et le seul leitmotiv qui reste dans notre société est l'argent, l'argent, toujours plus d'argent. Mais je crois qu'on a un cruel manque de récits aujourd'hui, un affaissement dramatique des idées et un jeu bien orchestré par les élites pour monter les citoyens les uns contre les autres.
Si ça peut en intéresser quelques-uns, je n'ai pour ma part pas le courage de le lire :
https://scholarworks.calstate.edu/downloads/wm117v97v